Introduction
Les séances introductives s’attachent à poser le cadre conceptuel et juridique et proposent des premières réponses à une question centrale de ce séminaire : Pourquoi s'intéresser aux déplacés forcés dans les pays développés en économie ?
Partie I - Des migrants pas comme les autres
Une première partie s’intéresse aux singularités des déplacés forcés par rapport aux autres types de migrants, en termes de motivation de l'exil, de difficultés surmontées au cours de leur voyage, de (non) choix de destination d'une part, et de définition, de statut juridique et de contraintes pour les pays hôtes d’autre part. Nous présenterons plusieurs enquêtes de grande envergure réalisées notamment l’enquête Origines et Perspectives des Réfugiés en France (OPReF) réalisée par PSE, et l’enquête ELIPA 2 réalisée par l’INSEE.
Nous discuterons ensuite de l’auto-sélection de ces exilés à la lumière du modèle standard Roy-Borjas et des recherches les plus récentes à ce sujet (Birgier et al., 2016 ; Askoy and Poutvaara, 2021 ; Abramitzky et al., 2022). Nous aborderons les obligations des États hôtes à l’égard des demandeurs d’asile que nous illustrerons avec l’accueil des Ukrainiens en France (rapport de la Cours des Comptes, février 2023). Nous discuterons alors des estimations du coût fiscal de l’accueil des demandeurs d’asile (Estimation FMI, 2023 notamment).
Après avoir présenté le processus de demande d'Asile, nous discuterons des écarts de performance sur le marché du travail entre réfugiés et migrants économiques. Dans cette perspective, nous reviendrons sur le travail pionnier de Chiswick (1978) qui montre que les migrants nouvellement arrivés ont des revenus biens inférieurs aux natifs (17%) mais que cet écart s'inverse avec le temps (15 ans) et qu'après 30 ans
Nous aborderons l’impact des politiques de dispersions et des interdictions de travailler pendant la période de demande d’asile et leur impact en termes d’intégration (Fasani et al., 2022a, 2022b ; Marbach et al. 2018). Ces politiques publiques sont très souvent mobilisées comme expériences quasi-experimentales pour mesurer l'impact de l'immigration. Nous introduirons l'intérêt de ces stratégies statistiques/empiriques et leur utilisation en sciences sociales dans le cas des déplacés forcés et bénéficiaires de la protection internationale.
Partie II - Attitudes et (mis)perceptions des natifs
Une seconde partie discutera de l’impact de l’accueil des déplacés forcés sur les attitudes des natifs envers l’immigration et la montée du populisme en général. Nous présenterons les deux principales théories mobilisées par les économistes ces dernières années, la théorie du contact (Allport, et al., 1954) et la théorie de la menace empruntées (Tajfel, 1982 ; Blumer, 1958) à la sociologie, et les travaux empiriques les plus récents à ce sujet (Dustman et al., 2019 ; Steinmayr, 2021 ; Schneider-Strawczynski, 2021 ; Lebow et al., 2023).
Nous aborderons un point charnière entre perception et intégration : nous présenterons l’impact des exodes massifs de déplacés forcés sur le marché du travail des pays d’accueil et introduirons le concept d’expérience naturelle en revenant sur les travaux les plus significatifs en la matière (Card, 1990 ; Borjas, 2017 ; Peri and Yasenov, 2019). Nous élargirons notre étude à l’impact sur la transformation du travail des natifs (Foged et Peri, 2016) et l’impact sur l’inflation et l’immobilier (Tumen, 2016) en discutant l’importance et les difficultés de généraliser les résultats à un cadre d’équilibre général.
Nous verrons que les natifs ont généralement une mauvaise perception de l’impact réel de l’arrivée de ces déplacés forcés dans les pays hôtes (Tabellini, 2020 ; Ajzenman et al., 2022a ; Ajzemman et al., 2022b). D’un point de vue méthodologique nous aborderons le concept de l’instrument Shift-Share et son utilisation dans cette littérature.
Partie III - Politiques d'intégration et futur de la Protection Internationale
Enfin, nous aborderons les grands axes qui se dégagent pour une intégration mieux réussie : amélioration des procédures d’asile, politique de cash transfert, apprentissage de la langue, accompagnement vers l'emploi. Nous présenterons de nombreux travaux qui évaluent l’ensemble de ces politiques et formulent des recommandations pour l’avenir (notamment Foged et al., 2022 ; Battisti et al., 2014 ; LoPalo, 2019 ; Anderson et al. 2019 ; Lochmann et al, 2019 ; Brell et al., 2020).
Nous aborderons également les conséquences des déplacements forcés pour les pays d'origine des réfugiés (par exemple, Waldinger, 2010, 2012 ; Acemoglu et al., 2011 ; Grosfeld et al., 2013 ; Akbulut-Yuksel et Yuksel, 2015 ; Bharadwaj et al., 2015 ; Pascali, 2016 ; Huber et al., 2018 ; Testa, 2018 ; Mayda et al., 2020 ; Bahar, 2020). Nous présenterons les évidences tirées des travaux récents sur les transferts de technologie et les gains de productivité qui émanent du retour à l’issue des conflits (Bahar et al. 2022) et discuterons du potentiel que peut représenter la diaspora ukrainienne pour reconstruire l'Ukraine à l'issue du conflit (note de Rapoport, 2023)
Enfin, nous aborderons la question des réfugiés climatiques : comment travailler avec ces déterminants qui n’entrent dans aucune catégorie juridique de la protection internationale ? Pourtant des évidences importantes se dégagent depuis de nombreuses années sur les conséquences en termes de déplacement, de conséquences économiques, de prévisions de flux et assurantiels (Cattaneo and Peri, 2016 ; Cattaneo et al., 2019 ; Burzynski et al., 2022).